“Il faut mettre fin au commerce des enfants nés de mères porteuses” (Olivia Maurel dans le Katolskt magasin, Suède)

Olivia Maurel jämställer det med slavhandel: ”Handeln med surrogatbarn måste stoppas’’

Entrevue originale avec Olivia Maurel dans Katolskt magasin, 3/2025, par Johan Tollgerdt

https://declaration-surrogacy-casablanca.org/wp-content/uploads/2025/05/2025-03-katolskt-magasin-olivia-maurel-surrogacy.pdf

Traduction française:

-‘Où es-tu, Maman?’ est le livre que j’aurais aimé lire quand j’étais enfant. C’est un cri du cœur, une réponse au silence, une tentative de mettre des mots sur l’indicible. J’y raconte ma naissance par GPA, l’abandon, la fracture identitaire, le manque, et la quête de vérité. Ce n’est pas un livre contre quelqu’un. C’est un livre pour quelque chose : pour la vérité, pour les droits des enfants, pour la dignité des femmes.Je l’ai écrit pour éveiller les consciences. Pour que chacun comprenne ce que cache réellement la gestation pour autrui, derrière les discours de marketing, les illusions d’amour et les contrats. Je l’ai écrit pour donner une voix à ceux qu’on n’entend jamais : les enfants nés de GPA. Et je l’ai écrit pour que chacun, à son niveau, puisse s’engager. Il n’y a pas de petit combat. Chaque prise de parole, chaque partage, chaque question posée compte.

Ce livre, c’est un acte d’amour, de résistance et de réparation. Et j’espère qu’il deviendra une arme pacifique entre les mains de tous ceux qui refusent que la maternité devienne un service et l’enfant un produit.

– Je n’ai pas écrit ce livre avec une méthode, mais avec une nécessité. C’était une écriture de l’instinct, presque de la survie. Le plus souvent, j’étais chez moi, plongée dans le silence de la nuit ou de l’aube, quand tout dort, sauf les souvenirs. C’est à ces heures-là que les mots venaient, chargés d’émotion brute, parfois douloureux à porter, mais impossibles à retenir.

Il m’est aussi arrivé de m’installer dans des cafés, non pas pour fuir l’intimité du sujet, mais pour respirer entre deux plongées dans le passé. Le tumulte autour de moi me permettait parfois de mettre une distance entre ce que j’écrivais et ce que je ressentais.

Ce n’est pas un livre que j’ai écrit. C’est une délivrance. Chaque mot était un pas vers la vérité, vers la réparation. J’ai écrit non pas comme une autrice, mais comme une fille qui cherche sa mère, comme une femme qui refuse que d’autres enfants soient privés de leur histoire.

– J’ai écrit Où es-tu, Maman ? parce qu’aucun enfant ne devrait avoir à se demander où est sa mère. Parce qu’on ne naît pas d’un contrat, on naît d’un lien, d’un corps, d’une histoire. Et quand ce lien est brisé volontairement, il reste un vide. Un vide que personne ne veut regarder en face.

J’ai écrit ce livre pour mettre un coup d’arrêt au discours lisse et mensonger autour de la GPA. Pour que l’opinion publique arrête de croire que c’est un acte d’amour ou un progrès. Ce n’est ni l’un ni l’autre. C’est une industrie qui exploite des femmes vulnérables et efface l’identité des enfants.

Ce livre, c’est une alarme. Une arme. Un appel à la lucidité. Et c’est aussi une invitation : à s’indigner, à réfléchir, et à agir. Peu importe votre rôle, votre influence, votre histoire — chacun peut faire quelque chose. Ce combat n’est pas le mien seul. C’est celui de tous ceux qui refusent que l’humain devienne une marchandise.

– Écrire davantage n’est pas seulement envisageable — c’est inévitable. Où es-tu, Maman ? a été une libération, mais aussi une ouverture. Une porte entrouverte sur une douleur ancienne, sur une vérité longtemps tue, sur un combat qui me dépasse. Et cette porte, je ne peux plus la refermer.

Depuis que ce livre est sorti, tant d’histoires sont venues à moi. Tant de silences confiés, tant de blessures qui ressemblent aux miennes. Écrire est devenu un devoir de mémoire, un acte de transmission, un engagement intime et politique. Ce n’est plus seulement ma voix — c’est celle d’un collectif de vies invisibles qu’il faut faire entendre.

Je ressens le besoin d’explorer encore, d’approfondir les zones d’ombre, de tisser des récits qui réveillent, qui dérangent, qui éclairent. Écrire, pour moi, ce n’est pas seulement témoigner. C’est résister. C’est poser des mots là où d’autres voudraient poser des lois d’oubli.

– Le plus beau compliment que j’ai reçu, c’est sans doute celui d’une femme qui m’a écrit : ‘Après avoir lu ton livre, j’ai compris. J’étais pour la GPA, maintenant je ne peux plus l’être.’

Pour moi, ça vaut tout. Parce que c’est exactement pour ça que je l’ai écrit : pour ouvrir les yeux, faire tomber les masques, briser les idées toutes faites. Quand quelqu’un me dit que Où es-tu, Maman ? l’a bousculé, qu’il ou elle n’avait jamais pensé aux choses sous cet angle, je sais que le livre a rempli sa mission.

Ce ne sont pas les compliments littéraires qui comptent le plus — même s’ils touchent. Ce sont ces phrases qui disent : ‘Tu as changé ma façon de voir le monde.’ C’est là que le mot devient action. Et c’est là que commence, vraiment, le combat partagé.

– Le compliment le moins bon, c’est celui qui dit : ‘Ton livre est touchant, mais il ne faut pas trop généraliser.’

Je sais que ça se veut bienveillant, mais en réalité, c’est une manière polie de minimiser ce que je raconte. Comme si mon vécu devait rester une exception, un cas isolé, alors qu’il est le reflet d’un système profondément injuste.

Je n’ai pas écrit Où es-tu, Maman ? pour qu’on me trouve ‘touchante’. Je l’ai écrit pour qu’on ouvre les yeux, qu’on regarde la réalité en face, même si elle dérange. Émouvoir, oui, mais pas pour apaiser les consciences — pour les réveiller. Alors quand on me complimente pour la forme, tout en niant le fond, ce n’est pas vraiment un compliment. C’est une manière de rester confortable. Et justement, ce livre n’est pas là pour ça.

– Non je n’ai pas encore eu le contact avec le nouveau pape. Mais le rencontré est prévu.

– Oui, des traductions sont en cours, et d’autres en discussion. Et j’ai une grande joie à partager : le livre va être très prochainement traduit en espagnol par le groupe Loyola. C’est une étape majeure, car cela va permettre de toucher tous les pays hispanophones — et ils sont nombreux.

C’est essentiel, car l’Espagne, l’Amérique latine, les Caraïbes sont des régions où les femmes sont particulièrement vulnérables face à l’expansion du marché mondial de la GPA. Là-bas, la pauvreté, l’inégalité et l’absence de protections sociales créent un terreau idéal pour l’exploitation. Je suis profondément émue à l’idée que ma voix, mon histoire, puissent désormais résonner aussi dans ces pays.

Concernant la Suède et les pays scandinaves, il n’y a pas encore d’éditeur engagé officiellement, mais j’aimerais beaucoup que le livre y soit publié. Ce sont des pays influents dans les débats bioéthiques, et je crois profondément qu’ils doivent entendre ce que vivent les enfants nés de GPA. Si un éditeur scandinave lit ces lignes, je suis là, prête à faire entendre cette vérité.

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